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14 mars 2016Lettres et allocutions

Lettre : Bureaux de vote accessibles lors d’élections municipales

Le 2 mars 2016

Monsieur Martin Coiteux
Ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire,
ministre de la Sécurité publique et ministre responsable de la région de Montréal
Édifice Jean-Baptiste-De La Salle
10, rue Pierre-Olivier-Chauveau
Aile Chauveau, 4e étage
Québec (Québec) G1R 4J3

Objet : Commentaires sur le Projet de loi n° 83,  Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le financement politique

Monsieur le Ministre,

Conformément au mandat qui lui est conféré par la Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ, c. C-12), la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a procédé à l’analyse du Projet de loi n° 83, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le financement politique présenté devant l’Assemblée nationale le 1er décembre dernier.

Au terme de cette analyse, la Commission souhaite commenter les modifications proposées à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (RLRQ, c. E-2.2.) eu égard à l’accessibilité pour les personnes handicapées aux bureaux de vote le jour du scrutin. L’article 41 du projet de loi prévoit ainsi deux ajouts à l’article 188 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités en vue, d’une part, d’y préciser que le bureau de vote doit être accessible aux personnes handicapées et, d’autre part, d’y exposer la procédure à suivre par le président d’élection lorsqu’il ne peut établir un bureau de vote dans un endroit accessible aux personnes handicapées.

Bref rappel des travaux de la Commission en cette matière

Cela fait plus de 35 ans que la Commission produit d’importants travaux concernant la discrimination vécue par les personnes en situation de handicap ou utilisant un moyen pour pallier celui-ci. Le droit à l’égalité réelle des personnes handicapées constitue une préoccupation majeure de la Commission depuis l’introduction en 1979 des motifs « handicap » et « moyen pour pallier ce handicap » à l’article 10 de la Charte. Plus particulièrement, la Commission est intervenue à plusieurs reprises au fil de ces décennies afin d’assurer le respect, en pleine égalité, du droit de vote des personnes handicapées ou utilisant un moyen pour pallier un handicap.

Encore récemment, au cours de la dernière campagne électorale municipale s’étant déroulée au Québec, la Commission a tenu à rappeler que les bureaux de vote doivent être accessibles afin que toutes les citoyennes et tous les citoyens puissent exercer leur droit de vote en pleine égalité.

Soulignons que l’accessibilité universelle des bureaux de vote, dans le cadre du vote par anticipation aussi bien que le jour du scrutin, vise la reconnaissance et l’exercice, en pleine égalité, du droit de vote reconnu à chacun en vertu des articles 10, 15 et 22 de la Charte des droits et libertés de la personne. On ne peut donc compromettre le droit de vote (art. 22) ou encore empêcher autrui d’avoir accès aux lieux publics (art. 15) sur la base d’une distinction ou d’une exclusion fondée sur le handicap ou sur l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap (art. 10) sans porter atteinte à des droits garantis par la Charte. Retenons en outre que la Charte prescrit la préséance des articles 10, 15 et 22 précités sur toutes autres lois, même postérieures à celle-ci (art. 52).

Il importe également de signaler les engagements internationaux pris à cet égard par le Québec en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ceux-ci reconnaissent respectivement l’exercice du droit de vote pour les personnes handicapées (art. 29 par. a) et le droit pour tout citoyen de voter sans discrimination (art. 25 par. b).

C’est d’ailleurs en se fondant sur les dispositions de la Charte que, le 17 décembre 2015, la Commission a introduit un recours en jugement déclaratoire visant à faire déclarer invalide l’article 188 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités en raison de son incompatibilité avec la Charte et de la discrimination qui en découle. Dans le cadre de ce recours, la Commission agit dans l’intérêt public et en faveur d’une plaignante ayant été empêchée de voter aux élections municipales de la Ville de Montréal du 1er novembre 2009 du fait de la non-accessibilité du bureau de vote.

Conformément à la Charte, l’objectif de la Commission est d’assurer la reconnaissance, mais surtout l’exercice effectif du droit de vote en pleine égalité pour tous les citoyens et toutes les citoyennes, incluant ceux et celles qui sont en situation de handicap ou utilise un moyen pour pallier celui-ci, et ce, dès les prochaines élections municipales prévues en 2017. Étant donné l’insuffisance des mesures législatives proposées par l’article 41 du projet de loi eu égard à cet objectif, la Commission n’a d’autre avenue que de maintenir son recours judiciaire, tout en souhaitant que les parties puissent convenir d’une rédaction pour la disposition législative concernée qui assurerait le droit à l’égalité et permettrait de mettre fin au litige.

Le caractère insuffisant des modifications législatives proposées

Certes, la Commission salue le premier ajout proposé en vertu de l’article 41 du projet de loi visant à inscrire à l’article 188 al. 1 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités que le bureau de vote doit être accessible aux personnes handicapées.

Le deuxième ajout que le projet de loi envisage eu égard à l’article 188 al. 4 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités atténue cependant grandement la portée effective de la modification proposée. En effet, ce n’est qu’une fois le processus électoral terminé que le président d’élection aurait à justifier les motifs l’ayant mené au choix d’un endroit non accessible. Les personnes empêchées de voter du fait de l’inaccessibilité du bureau de vote, elles, demeureraient privées de leurs droits. Une telle mesure n’est donc pas de nature à assurer la reconnaissance et l’exercice effectif du droit de vote en pleine égalité des personnes en situation de handicap ou qui utilisent un moyen pour pallier celui-ci.

À titre d’exemple, soulignons que la loi ontarienne sur les élections municipales ne prévoit pas d’exception à l’obligation d’accessibilité des bureaux de vote. L’article 45 de la Loi de 1996 sur les élections municipales se lit plutôt comme suit :

« 45. Le secrétaire décide du nombre et de l’emplacement des bureaux de vote pour une élection selon ce qu’il considère être le plus pratique pour les électeurs.

Lorsqu’il choisit les emplacements des bureaux de vote, le secrétaire veille à ce que chacun d’eux soit accessible aux électeurs handicapés.

[…] »

[Mon soulignement]

En vue d’assurer la conformité à la Charte québécoise de l’article 188 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, la Commission recommande donc de modifier l’article 41 du projet de loi de façon à ce qu’il prévoie que chaque bureau de vote doive être accessible sans discrimination aux personnes handicapées.

Nous demeurons à votre disposition pour toute question relative à la présente.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

Jacques Frémont
Président

c. c.M. Pierre Michel Auger, président de la Commission de l’aménagement du territoire
Mme Stéphanie Vallée, ministre de la Justice et Procureure générale du Québec

>> Communiqué annonçant l'envoi de cette lettre