site de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Guide virtuel : Traitement d'une demande d'accommodement
 

Évaluation de la contrainte excessive

Le concept pivot de contrainte excessive balise l’application de l’obligation d’accommodement raisonnable. Il permet de déterminer si un accommodement peut être accordé et, le cas échéant, dans quelle mesure. Le caractère raisonnable d’une demande implique l’absence de contrainte excessive.

L’aboutissement d’une demande d’accommodement – accommoder ou ne pas accommoder – dépendra toujours du contexte en cause. Chaque demande d’accommodement comporte donc une solution qui lui est propre et qui n’est pas nécessairement transposable à un autre cas, même si celui-ci se présentait à l’intérieur d’une même organisation.

Toute demande individuelle inscrite dans un contexte particulier appelle en effet des niveaux de contrainte susceptibles d’être différents1. De même, l’application d’une jurisprudence particulière ne détermine pas automatiquement l’issue d’autres affaires2. C’est pour cette raison que le décideur a l’obligation d’étudier chaque demande individuellement.

Il s’agit de l’une des quatre règles de base en matière d’accommodement Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre..

L’accommodement raisonnable constitue en ce sens une obligation circonstancielle et conditionnelle. En d’autres mots, on accordera un accommodement à condition que la mesure demandée n’impose pas de contrainte excessive à l’intérieur d’un contexte donné3.

En connaître davantage à propos de l’étendue de l’obligation d’accommodement du décideur.  Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

Les critères d’évaluation de la contrainte excessive présentés ici ne sont pas exhaustifs. Ils doivent par ailleurs être appliqués « d’une manière souple et conforme au bon sens »4.

À noter, enfin, qu’un inconvénient minime ne constitue pas une contrainte excessive5, ce qui signifie qu’une mesure peut produire certains irritants sans pour autant être déraisonnable. En d’autres termes, un certain niveau de contrainte demeure de l’ordre du raisonnable.

a) ressources financières et matérielles6

  • le coût réel de l’accommodement demandé;
  • le budget d’exploitation total de l’entreprise, dont les prêts, subventions et crédits d’impôt;
  • le caractère privé ou public de l’organisation;
  • la santé financière de l’entreprise ou de l’institution;
  • la conjoncture économique;
  • etc.

Questions permettant d’évaluer le niveau de contrainte du point de vue des coûts et d’envisager certaines pistes de solution.  Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

b) fonctionnement et organisation du travail7

  • la nature de l’entreprise ou de l’institution;
  • l’adaptabilité des lieux, installations et équipements de travail;
  • la disponibilité des locaux;
  • l’effet sur la productivité, le rendement et la charge de travail;
  • le nombre d’employés affectés par la mesure envisagée;
  • l’interchangeabilité des employés;
  • la durée et l’étendue de l’accommodement;
  • etc.

Questions permettant d’évaluer le niveau de contrainte du point de vue organisationnel et d’envisager certaines pistes de solution. Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

c) sécurité et droits d’autrui

  • les risques pour la santé ou la sécurité d’autrui ou celle du demandeur;
  • l’ampleur du risque;
  • les caractéristiques de ceux qui supportent le risque8;
  • l’effet préjudiciable sur l’exercice concret des droits d’autrui9 ou sur ceux du demandeur lui-même;
  • la convention collective10;
  • etc.

Questions permettant d’évaluer le niveau de contrainte du point de vue de la sécurité et des droits d’autrui et d’envisager certaines pistes de solution. Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

 

Notes

  1. Parallèlement, comme le souligne José Woerhling, en référence à l’arrêt Bergevin (1994), « la preuve du caractère raisonnable d’un accommodement sera d’autant plus facile à faire que l’accommodement recherché aura déjà été accordé auparavant soit au plaignant, soit à d’autres personnes dans la même situation. ». « L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse », (1998) 43 R.D. McGill 325, p. 356.
  2. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, par. 45.
  3. La Cour suprême a reconnu qu’il « y a contrainte excessive lorsque les moyens raisonnables d’accommoder ont été épuisés et qu’il ne reste que des options d’accommodement déraisonnables ou irréalistes. » : Council of Canadians with Disabilities c. VIA Rail Canada Inc, [2007] 1 R.C.S. 650, par. 130.Aussi, l’employeur n’est pas tenu de démontrer qu’il est « impossible d’accommoder » l’employé, mais seulement qu’aucune autre solution de rechange raisonnable ou pratique ne s’offre à lui selon le jugement suivant Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron, 2018 CSC 3 par 29.
  4. Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, p. 546.
  5. Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970.
  6. La liste des critères relatifs aux ressources financières et matérielles est tirée de Christian Brunelle, Discrimination et obligation d’accommodement en milieu de travail syndiqué, Éditions Yvons Blais, 2001, p. 248 et s.
  7. La liste des critères relatifs au fonctionnement et à l’organisation du travail est tirée de Christian Brunelle, Discrimination et obligation d’accommodement en milieu de travail syndiqué, Éditions Yvons Blais, 2001, p. 248 et s.
  8. L’impact d’une mesure d’accommodement doit parfois être mesuré en fonction de l’autonomie des individus assumant une partie du risque. Une demande franchira plus clairement le seuil de la contrainte excessive lorsqu’on peut démontrer qu’elle aura des impacts réels auprès d’une clientèle vulnérable soit parce qu’elle est en bas âge, malade, souffrante d’un handicap ou bien vieillissante.
  9. Comme le rappelle Pierre Bosset, « [s]’agissant des droits des autres employés, par exemple, il faut établir une atteinte « réelle » et « importante » à ces droits, plutôt qu’une atteinte anodine. » « Les fondements juridiques et l’évolution de l’obligation d’accommodement raisonnable », dans Myriam Jézéquel (dir.), Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu’où? Des outils pour tous(PDF, 186Ko)., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 24.
  10. Les clauses de la convention collective doivent respecter les principes énoncés dans la Charte québécoise. Si la convention a un effet discriminatoire sur un individu ou une catégorie d’individus, on devra donner de l’élasticité à certaines de ses règles, à moins que le syndicat puisse démontrer qu’il en découlerait une contrainte excessive. Voir "Centre de santé McGill (Hôpital général de Montréal c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] 1 R.C.S. 161, 2007 CSC 4.